Une équipe d’experts anime les Plans Nationaux d’Actions pour protéger les tortues marines et l’Iguane des petites Antilles

© RTMG: tortue luth (Dermochelys coriacea)

Au cœur de l’arc Antillais, les îles de Guadeloupe et de Martinique se positionnent comme un maillon indispensable de la protection de la nature dans la Caraïbe. Au niveau terrestre, elles accueillent parmi les plus importantes colonies mondiales d’Iguane des petites Antilles (Iguana delicatissima), espèce endémique de cette région et en danger critique d’extinction aux échelles locale et mondiale. En mer, leurs eaux sont fréquentées par 5 espèces de tortues marines sur les 7 connues mondialement, dont 3 espèces rencontrées sur les plages de nidification : la tortue verte (Chelonia mydas), la tortue imbriquée (Eretmochelys imbricata) et la tortue luth (Dermochelys coriacea).

Les Plans Nationaux d’Action animés par les équipes d’ONFi – ONF.

L’Iguane des petites Antilles et ces 3 espèces de tortues marines (cf : INPN, Iguana delicatissima Laurenti, 1768 ; RTMG, des espèce protégées) sont menacées d’extinction. Au regard de la responsabilité de la France pour la conservation de ces espèces, des Plans Nationaux d’Action visant à enrayer leur déclin et prévenir leur extinction ont été établis.

La mise en œuvre de ces plans est assurée par :

  • la DEAL Guadeloupe qui pilote le PNA tortue marine et la DEAL Martinique qui pilote le PNA iguanes des petites Antilles ;
  • l’Office National des Forêts qui anime ces plans via sa Direction régionale de Guadeloupe et sa Direction territoriale de Martinique, en étroite collaboration avec ONF International (ONFI).

L’équipe d’animation des PNA composée de 3 salariés ONFI et de 2 chargés de mission de l’ONF est chargée de coordonner la mise en œuvre des actions définies dans chaque plan, en partenariat avec les structures locales membres des Réseaux Tortues marines (Guadeloupe et Martinique) et Iguane des petites Antilles. Il s’agit de partenaires institutionnels, de collectivités, d’associations, de laboratoires de recherche, des forces de l’ordre, etc. Les actions menées se répartissent entre trois grandes thématiques : (i) la conservation des espèces, (ii) l’amélioration des connaissances sur leur biologie et leur écologie, (iii) la sensibilisation du grand public, des décideurs et des acteurs sociaux-professionnels comme les marins-pêcheurs impliqués dans la conservation des tortues marines. La Plaquette Tortues Marines et la Plaquette Iguanes des petites Antilles montrent quelques exemples d’actions et les principaux résultats obtenus pour chacun de ces volets.

Les actions du PNA en faveur de l’Iguane des petites Antilles.

L’iguane des petites Antilles est évalué en danger critique d’extinction – stade ultime avant la disparition de l’espèce dans le milieu naturel – sur les Listes rouges de l’UICN en Guadeloupe, en Martinique et à l’échelle de son aire de répartition mondiale : l’arc des petites Antilles. Grâce aux actions de suivi des populations par méthode de capture-marquage-recapture mises en œuvre dans le cadre des PNA depuis une dizaine d’années, les effectifs d’iguanes « péyi » sont estimés à environ 10 000 individus sur les îlets de Petite Terre et quelques centaines d’individus sur l’île de La Désirade ;  l’espèce a quasiment disparu de la Guadeloupe continentale. En Martinique, la population est estimée à quelques centaines d’individus sur l’îlet Chancel, et reste mal connue dans les forêts de la Montagne Pelée, au Nord de la Martinique, où le milieu rend complexe le suivi démographique de l’espèce. L’objectif du PNA est d’inverser la tendance au déclin qui se dessine sur les populations de La Désirade et de l’îlet Chancel, et de maintenir les effectifs sur Petite Terre.

© ONF : iguane des petites Antilles (Iguana delicatissima)

Parmi les actions nécessaires, la lutte contre l’Iguane rayé Iguana iguana est une priorité absolue. Cette espèce exotique envahissante représente la plus grande menace pour l’Iguane des petites Antilles. Lorsque l’Iguane rayé, introduit par l’homme dans les Antilles, entre en contact avec une population d’Iguane « péyi », celle-ci finit par disparaître par compétition et par hybridation avec l’envahisseur. Les populations d’Iguane des petites Antilles des îles de Petite Terre et La Désirade en Guadeloupe, et de Chancel en Martinique, ne sont pour l’instant pas en contact avec l’iguane rayé. Afin de prévenir ce risque, des réseaux de veille de détection précoce de l’iguane rayé ont été créés via la formation de professionnels et de citoyens à la reconnaissance, voire à la capture et la mise à mort de cette espèce exotique. L’objectif est notamment de créer des « zones tampons » sans iguane rayé autour des points d’embarquements de navires transportant des passagers et/ou des marchandises à destination de ces îles « satellites ». Ce sont en effet les principaux vecteurs d’introduction de l’iguane rayé sur ces îles encore préservées à ce jour. En 2020, 12 iguanes rayés, dont 4 en zone sensibles, ont été par exemple été capturés après remontée d’information du réseau de veille Martinique à l’équipe d’animation d’ONFI.

Ces réseaux montrent l’importance d’une population sensibilisée aux enjeux. Une caravane pédagogique a été montée en 2018. Depuis, elle circule sur le territoire pour aller à la rencontre du grand public et des scolaires. En 2020, près de 5 000 citoyens ont été sensibilisés à l’occasion de 24 journées d’animation sur le territoire de Martinique, alors que la caravane sera déployée pour la première année en 2021 en Guadeloupe.

Les actions du PNA en faveur des tortues marines des Antilles françaises

La tortue verte est évaluée en danger d’extinction à l’échelle mondiale, de même que la population de tortue luth du bassin Nord-Ouest Atlantique. La situation est encore plus préoccupante pour la tortue imbriquée qui est évaluée en danger critique d’extinction à l’échelle mondiale.

L’équipe d’animation ONFI coordonne depuis 2017 l’action de suivi des traces de ponte de tortues marines sur les plages de Guadeloupe et de Martinique. Ces suivis, réalisés depuis 20 ans, fournissent un indicateur standardisé à l’échelle mondiale de l’évolution des populations de reproduction. En 2019, 3 084 traces de pontes ont ainsi été observées sur 173 plages de Guadeloupe, de Saint-Martin et de Martinique. L’analyse de ces données via des modélisations statistiques permettra en 2021 de définir la tendance démographique de chaque population reproductrice sur ces 20 dernières années. 2021 verra également naître un protocole de suivi en mer des tortues marines, dont les populations en alimentation dans les Antilles françaises concernent majoritairement des jeunes tortues n’ayant pas encore atteint la maturité sexuelle. Les analyses génétiques et télémétriques ont montré que les Antilles françaises constituent une véritable nurserie à l’échelle de la grande Caraïbe. A titre d’exemple, 17% des jeunes tortues vertes qui s’alimentent en Martinique avant d’atteindre l’âge adulte sont nées en Guyane ; 23% sont nées sur des territoire de l’Est Caraïbe, 25% proviennent du Sud Est Atlantique ; 13% du Sud-ouest Atlantique et 22% du Nord-Ouest Caraïbes (Chambault et al. 2018[1]). Cette représentation cosmopolite montre l’importance de protéger les jeunes tortues vertes de Martinique : elles seront les futures tortues adultes qui iront pondre sur les plages de toute la Grande Caraïbe !

Pour protéger ces jeunes tortues, l’équipe d’animation du PNA a élaboré un ambitieux programme de réduction des captures accidentelles par la pêcherie artisanale côtière, en Guadeloupe et en Martinique. Ce projet a vu le jour fin 2020, porté par le CNRS, le Parc National de Guadeloupe et l’IFREMER. Il a pour objectif de réduire cette menace, considérée comme la plus importante pour les tortues marines. Grâce à la collaboration étroite entre marins-pêcheurs et scientifiques, il permettra de tester des engins et pratiques de pêches innovants ces deux prochaines années.

A terre, des projets de restauration des habitats de ponte des femelles adultes ont vu le jour. Ils mettent à profit tout le savoir-faire de l’ONF en matière de restauration écologique du littoral, à travers des projets qui intègrent la re-végétalisation des plages, la mise en défens des accès véhicules ou la réduction de la pollution lumineuse.

Enfin, à l’image de l’Iguane des petites Antilles, une caravane pédagogique a été créée en 2019. Elle a permis de sensibiliser plus de 4 000 citoyens en 2020 en Martinique et sera inaugurée en Guadeloupe pour la première fois en 2021.

© ONF_Conservation : sauvetage de tortue verte (Chelonia mydas)

Contact :

Nicolas Paranthoën – ONF International – Coordinateur régional des PNAs Tortues marines et Iguanes des Petites Antilles, nicolas.paranthoen@onf.fr

[1] Chambault et al 2018. Connecting paths between juvenile and adult habitats in the Atlantic green turtle using genetics and satellite tracking